(Enora, sur mon lit, mercredi soir)

    9h57, sur un tabouret près de la caisse du Celtic. Xavier au service, une petite dizaine de jeunes dans l'avant-salle. Il ne fait pas encore tout à fait jour, et dehors tombe une pluie très fine, à peine perceptible. Les fûmeurs la subissent, sans trop de difficulté ; moi, je suis réchauffée grâce aux machines qui tournent depuis la première heure. Seule. Ils sont aux billards, attendent, je crois, sans effort. Derrière moi, Jimi Hendrix prend son pied sur écran plat, immolant sa Strato. Dos à moi, X monte la biographie du gaillard. Mais tout le monde sait qu'il a fait la première partie de Johnny Hallyday. Tant pis, cela me permet d'esquisser un sourire. Niais, certains diraient.
    "Pourrais-tu me faire un grand crème, s'il te plaît ?". Ai décidé de changer la dose, pour une fois. J'ai du temps devant moi. "Ca marche". Sourire. Je me tiens la tête dans mes mains brûlantes, observe la mise en place de la cuillère sur la soucoupe, de l'amande sur la cuillère, de la mousse sur le café, du lait sur le nuage, et de la tasse sur la soucoupe. Ces gestes prennent une dimension considérable. Sans en avoir l'air, ils me réveillent pour un cours d'arts pla, d'anglais ou de fab', tous les jours.
    J'ouvre le journal, mine de rien. Altarea, Ikea, Decathlon. Blabla. Carlos. Ah oui, c'est vrai, il est mort. Tout nu et tout bronzé. "C'est pas une perte pour la culture française". Ta gueule bombasse. Ca me rendrait presque triste. Je fais mine. Coup d'oeil à l'écran, à la porte qui s'ouvre, quelques bises et je retourne à mon café. Des hoquets me sortent de mes songes. Bois un verre d'eau à l'envers, ça ira mieux. Oui, une bonne frayeur ça marche aussi. "Hoc". Mais malheureusement inefficace cette fois ci.
    Un coup d'oeil aux billards. Ils sourient, ricanent en réalité, je ne saisis pas ce qu'ils veulent me faire comprendre. En cet instant ils viennent de me ramener un peu sur Terre. Je porte ma tasse aux lèvres, observe les bûcherons devant moi, ces histoires de tampon étoilé et autre concours de coiffure douteux. Je souris, touille mon café, lève les yeux au plafond. Une petite gorgée m'attend, et je devrai quitter mon tabouret. Je pose ma tasse, baisse les yeux, refait ma tresse, touille mon café, et finit par le boire. Me voilà à Landerneau, mes amis. Je pivote sur moi même, secoue ma mèche, entre dans l'arrière salle. "Alors, t'as bien profité. On t'a vue tu sais. Bla. Bla. Blabla.". Silence. Je n'ai pas envie d'entendre ce genre de niaiseries d'avantage. Eux, ils ne peuvent pas comprendre la raison du sourire en coin sur ma bouche. Je viens de rencontrer l'Osmose.

Comments

[fyekuro]

que c'est bien raconté, tu pourrais écrire un livre.
fyekuro

[Kappu]

Oh, voui, tout pareil.
La lecture de ton blog est assez jouissive.

[Morgasme]

Il est très beau cet article. Très nostalgique et très beau. J'aime ton blog et j'aime toi. Surtout toi. Inférieur à trois